Mon oncle un fameux bricoleur
Faisait en amateur
Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris
C’était un vrai génie
Question travaux pratiques
Il s’enfermait tout’ la journée
Au fond d’son atelier
Pour fair’ des expériences
Et le soir il rentrait chez nous
Et nous mettait en trans’
En nous racontant tout
Pour fabriquer une bombe " A "
Mes enfants croyez-moi
C’est vraiment de la tarte
La question du détonateur
S’résout en un quart d’heur’
C’est de cell’s qu’on écarte
En c’qui concerne la bombe " H "
C’est pas beaucoup plus vach’
Mais un’ chos’ me tourmente
C’est qu’cell’s de ma fabrication
N’ont qu’un rayon d’action
De trois mètres cinquante
Y a quéqu’chos’ qui cloch’ là-d’dans
J’y retourne immédiat’ment
Il a bossé pendant des jours
Tâchant avec amour
D’améliorer l’modèle
Quand il déjeunait avec nous
Il avalait d’un coup
Sa soupe au vermicelle
On voyait à son air féroce
Qu’il tombait sur un os
Mais on n’osait rien dire
Et pis un soir pendant l’repas
V’là tonton qui soupir’
Et qui s’écrie comm’ ça
A mesur’ que je deviens vieux
Je m’en aperçois mieux
J’ai le cerveau qui flanche
Soyons sérieux disons le mot
C’est même plus un cerveau
C’est comm’ de la sauce blanche
Voilà des mois et des années
Que j’essaye d’augmenter
La portée de ma bombe
Et je n’me suis pas rendu compt’
Que la seul’ chos’ qui compt’
C’est l’endroit où s’qu’ell’ tombe
Y a quéqu’chose qui cloch’ là-d’dans,
J’y retourne immédiat’ment
Sachant proche le résultat
Tous les grands chefs d’Etat
Lui ont rendu visite
Il les reçut et s’excusa
De ce que sa cagna
Était aussi petite
Mais sitôt qu’ils sont tous entrés
Il les a enfermés
En disant soyez sages
Et, quand la bombe a explosé
De tous ces personnages
Il n’en est rien resté
Tonton devant ce résultat
Ne se dégonfla pas
Et joua les andouilles
Au Tribunal on l’a traîné
Et devant les jurés
Le voilà qui bafouille
Messieurs c’est un hasard affreux
Mais je jur’ devant Dieu
En mon âme et conscience
Qu’en détruisant tous ces tordus
Je suis bien convaincu
D’avoir servi la France
On était dans l’embarras
Alors on l’condamna
Et puis on l’amnistia
Et l’pays reconnaissant
L’élu immédiat’ment
Chef du gouvernement
En plus du Déserteur, Boris Vian a écrit énormément de chanson pacifiste comme la java des bombes atomiques, la chanson est sortie en 1954, soit dix ans après que les Américains lancent les deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. À cette époque une peur constante de se recevoir une bombe atomique règne dans le monde entier, car la troisième guerre mondiale est à deux doigts de s'officialiser, et à cette époque qui dit guerre mondiale dit guerre nucléaire.
Cette chanson « anecdotique et gouvernementale » comme la qualifia lui même Boris Vian lors d'une interview radiophonique de 1956 , traite donc avec un cynisme lucide des nouvelles inquiétudes de cette génération.
Dans ce pamphlet contre la course à l'armement delà guerre froide le « Monsieur le Président » du Déserteur est encore contesté puisque l'inventeur de la bombe atomique de la chanson après avoir réussi à la créer l'a fait exploser en tuant tous les grands chefs d'État, mais « le pays reconnaissant l'élu immédiatement chef du gouvernement » il conteste aussi les « chefs d'État », car le fameux bricoleur de la chanson certifie qu'en détruisant ces hommes qu'il qualifie de « tordu » il a sauvé la France.
L'histoire racontée évoque les savants fous des bandes dessinées et des dessins animés comiques mais rappelle aussi de nombreuses histoires où la chose fabriquée prend le dessus par rapport à l'inventeur comme par exemple Frankenstein de James Whale.
Une valse est une danse à trois temps ce qui est le cas dans cette chanson.
Contrairement au Déserteur, la chanson est satirique et humoristique, bien que quand même engagée et pacifiste